La communication interne, alliée sous-estimée dans l’engagement des salariés

Chronique d’experts   MANAGEMENT

 

 

L’engagement a mauvaise presse. Souvent apparenté au militantisme et à l’armée, il est fréquemment associé à une posture de soumission. Alors que l’entreprise valorise la créativité et l’autonomie, l’engagement n’est-il pas devenu anachronique ? Et pourtant, bien défini, associé davantage à la libre disposition qu’à la soumission, ce concept est fertile, notamment pour la communication interne.

La littérature sur les RH et la communication interne tend parfois à confondre bien-être, bonheur, satisfaction, motivation, implication et engagement. Si l’on s’en tient à la définition de l’Association nationale des DRH (ANDRH), l’engagement revêt pourtant un sens particulier. Il s’agit de « l’ensemble des actions d’un salarié qui vont au-delà de la contribution demandée par le contrat de travail, qui renforce le sentiment de contribuer à un projet commun, dans le respect des valeurs de l’entreprise. »

Toutes les dimensions de l’individualité mobilisées

En d’autres termes, le salarié engagé fait davantage que son strict travail et le fait pour l’entreprise, en mobilisant un sentiment. Ce dernier point est essentiel. La plupart des auteurs insistent sur le fait que l’engagement est le seul état où le collaborateur mobilise toutes les dimensions de son individualité : spirituelle, émotionnelle, intellectuelle et physique. Et de surcroît, toutes les dimensions de ses préférences relatives à l’emploi, la consommation et la citoyenneté. C’est en cela qu’il diffère de la satisfaction et de la motivation. Et cet engagement résulte nécessairement du libre arbitre des salariés. Ils sont en effet de plus en plus nombreux à partager la même liberté que le consommateur et à se comporter, comme lui, en « égo-altruistes

 

Une dimension holisitique de la relation à l’entreprise

Cette liberté accrue et la dimension holistique de la relation à l’entreprise (c’est-à-dire la prise en compte de tous les aspects de la personnalité et des préférences) sont désormais partagées par de nombreux auteurs. Deux exemples : on accorde aujourd’hui plus de poids à la motivation intrinsèque– l’action est conduite uniquement par l’intérêt et le plaisir que l’individu trouve à l’action, sans attente de récompense externe – qu’à la motivation extrinsèque – l’action est provoquée par une circonstance extérieure à l’individu (punition, récompense, pression sociale, obtention de l’approbation d’une personne tierce…) De même, des trois formes classiques de l’engagement – affectif (identification et attachement émotionnel à l’entreprise), de continuité (appartenance venant de la peur ou des coûts excessifs d’un retrait), normatif (la loyauté dérivant d’un sentiment d’obligation morale) — c’est la première qui s’installe de loin comme la plus importante.

 

Un état préexistant à l’intervention de l’entreprise

Cet état existe, même sans intervention planifiée de l’entreprise. Tout le monde a rencontré des « engagés », des personnes qui agissent comme si l’entreprise était la « leur ». Ils sont en consonance cognitive (« ma spiritualité s’accorde avec la raison d’être de l’entreprise ») ; ont envie de partager ses valeurs et de s’appuyer sur elles pour se connecter avec leurs pairs ou leurs subordonnés et les faire grandir (émotion), trouvent le projet clair et cohérent (intellectuel) et déploient une « pêche d’enfer » (physique). Doit-on les condamner ? Sûrement pas, dès lors que cet engagement partager ses valeurs et de s’appuyer sur elles pour se connecter avec leurs pairs ou leurs subordonnés et les faire grandir (émotion), trouvent le projet clair et cohérent (intellectuel) et déploient une « pêche d’enfer » (physique).

 

Rendre les collaborateurs « copropriétaires du commun »

Le rôle principal de la communication interne est de susciter cette exemplarité en rendant les collaborateurs qui le souhaitent « copropriétaires du commun » – « purpose », valeurs, projet opérationnel – et en leur donnant les moyens de le co-élaborer, de l’actualiser, de le partager et d’inventer ou de participer à des expériences qui le nourrissent.

En tout cas, c’est la zone où elle paraît le plus légitime. Elle est en effet en concurrence avec les autres collaborateurs, les chief happiness officers (CHO) et les managers de proximité pour satisfaire, avec les DRH et le management pour motiver, mais elle ne trouve sur sa route que les dirigeants, et notamment le premier d’entre eux, pour engager. Cela vient d’ailleurs de sa mission initiale : organiser le dialogue et l’action entre l’entreprise et ses collaborateurs. Alors, comment faire ? Il ne s’agit pas de vouloir le même niveau d’engagement pour tous mais de construire son programme autour de ce que nous appelons le « tunnel de l’engagement ». L’engagement doit être flexible.                                    Eric Camel  – HBR – Juin 2019